LES ENJEUX ÉTHIQUES ET LÉGAUX

Votre mobilisation a porté fruit !

Le protocole a fait l’objet d’une réécriture à l’été 2020. Les recommandations formulées par Triage.Quebec ont été en majorité entendues et les changements ont été apportés au protocole.

Vous pouvez consulter l’article concernant la mise à jour du protocole pour en savoir plus.

Cette page est maintenant archivée, ne sera plus mise à jour et vise uniquement à documenter la première version du Protocole .

Le Protocole élaboré par le gouvernement du Québec pose des enjeux éthiques et légaux

Afin de mieux comprendre nos préoccupations, nous vous invitions à consulter les onglets suivants.

La présence de critères d’exclusion liés au handicap qui sont discriminatoires ou susceptibles de le devenir dans leur interprétation par le personnel médical

Le Protocole cible spécifiquement au moins deux conditions liées à un handicap qui rendent inéligible le patient à des soins intensifs :

  • La déficience cognitive sévère due à une maladie progressive
  • La maladie neuromusculaire avancée et irréversible (ex. : Parkinson, Sclérose latérale amyotrophique)

Un protocole qui cible directement des catégories d’invalidité est discriminatoire et contrevient à la Charte des droits et libertés de la personne, à la Charte canadienne des droits et libertés et à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.

Il est impératif que les décisions concernant les personnes qui auront accès à des soins intensifs soient prises en fonction d’une évaluation clinique objective et individualisée.

La présence de ces critères d’exclusion dans un protocole de triage engendre un risque accru que les préjugés à l’égard de la qualité de vie des personnes handicapées ou de leur utilité sociale interfèrent dans le jugement clinique.

Il en découlera inévitablement des erreurs d’application et d’interprétation, de même que des décisions médicalement injustifiables à l’égard d’une population historiquement marginalisée et discriminée.


Aux États-Unis, la présence de critères d’exclusion dans des protocole de triage, tels que la déficience cognitive et la démence, a fait l’objet de nombreuses plaintes. Le Bureau des droits civils (OCR) a émis un avis formel le 28 mars 2020 à l’effet que les protocoles de triage ne pouvaient faire de discrimination basée sur le handicap. Plusieurs États américains ont depuis corrigé le tir.

Des démarches similaires à la nôtre sont présentement entreprises dans la province de l’Ontario pour faire retirer du protocole provincial ces critères d’exclusion liés au handicap du protocole.

Pour en savoir plus sur les démarches dans d’autres provinces et pays.

Les personnes handicapées ne devraient pas être pénalisées pour des déficiences qui nécessitent plus de ressources pour obtenir le même résultat que les personnes non handicapées

La présence de ces critères d’exclusion dans le protocole de triage repose notamment sur des « preuves » cliniques à l’effet que ces invalidités indiquent une plus grande difficulté à être sevré du ventilateur.

Cependant, le fait qu’une personne handicapée puisse nécessiter certaines mesures d’adaptation pendant ou après le traitement aux soins intensifs (par exemple, un délai supplémentaire pour le retrait du ventilateur, des séances de réadaptation adaptée au handicap, etc.), ne constitue pas une base admissible pour l’exclure. 

Au contraire, l’obligation d’accommodement prévu dans les Chartes exige de lui fournir un niveau de soins supplémentaire afin de lui garantir une chance équitable de survie.

Nier cette obligation d’accommodement envers les personnes handicapées parce que nous nous trouvons en temps de crise, revient ni plus ni moins à rendre les droits fondamentaux facultatifs.

Les personnes handicapées ne peuvent être privées de l’accès à des soins intensifs en raison de l’aide qu'elles doivent recevoir dans leur quotidien

Le Protocole comprend au moins deux critères d’exclusion basés sur l’aide qu’une personne doit recevoir  :

  • La déficience cognitive sévère (incapacité totale d’effectuer les activités de la vie quotidienne et domestique de manière indépendante) due à une maladie progressive
  • L’incapacité fonctionnelle évaluée en fonction du score de fragilité clinique

Ces critères d’exclusion reflètent une dévaluation flagrante de la vie des personnes handicapées.  Ils ont pour effet de considérer la vie des personnes nécessitant de l’aide pour accomplir leurs activités de la vie quotidienne et domestique, comme étant moins digne d’être vécue.

Les instruments de mesure portant sur l’autonomie fonctionnelle qui sont utilisés pour exclure un patient des soins intensifs (SMAF, score de fragilité clinique) sont inappropriés pour les personnes handicapées.

Le score de fragilité clinique n’a été validé, ni pour la population de moins de 65 ans, ni pour les personnes handicapées. 

Le score de mesure de l’autonomie fonctionnelle (SMAF) a initialement été conçu pour évaluer une clientèle ayant un profil gérontologique. Il ne s’agit pas d’un outil de mesure adapté pour les personnes ayant un déficit cognitif.

L’utilisation de ces instruments de mesure lors du processus de triage est susceptible de venir disqualifier un grand nombre de personnes handicapées, qui n’auront pas accès à des soins intensifs, et ce, sans aucun fondement clinique valable.

Par exemple, une personne ayant un trouble du spectre de l’autisme, mais tout de même en excellente santé, serait susceptible d’obtenir un score de fragilité élevé de 6 ou 7, qui ne reflète pas pour autant une faible probabilité de survie à la COVID-19 ou à tout autre affection critique.

Au Royaume-Uni, l’utilisation du score de fragilité clinique dans le protocole de triage a fait l’objet de vives critiques et de contestations. Celui-ci fut retiré.

Le manque de transparence du gouvernement du Québec nuit à la confiance du public

Le Protocole a été élaboré par un comité d’experts, en l’absence de représentants des droits des personnes handicapées.

Malgré nos demandes répétées, le ministère de la Santé et des Services sociaux refuse de dévoiler le contenu intégral du Protocole au grand public, tout particulièrement les critères d’exclusion choisis.

Alors que le Protocole mentionne pourtant comme principes directeurs « la confiance et la transparence », le gouvernement soutient que les annexes B et C, qui contiennent les critères d’exclusion retenus, sont confidentiels et strictement réservés à l’usage des professionnels de la santé.

Par ailleurs, le Protocole a été élaboré par un comité d’experts, en l’absence de représentants des droits des personnes handicapées. Bien que quelques patients aient siégés sur ce comité, il ne s’agit pas d’acteurs indépendants et ils ne peuvent représenter à eux seuls la diversité sociale et culturelle du Québec. Dans ce contexte, il est impossible d’affirmer que le Protocole a été élaboré en tenant compte des particularités ou des valeurs sociétales du Québec.

En agissant de la sorte, le ministère de la Santé et des Services sociaux nuit gravement à la confiance du public envers ses décisions.

Il s’agit de réflexions et de décisions extrêmement importantes, dont la population ne peut être exclue.